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On na pas décidé dentrer dans le cercle que déjà le cercle tient. Que la langue froide du cobra darde et fascine. Et que les formules sont vaines, pour échapper.
On avait seulement résolu de laisser le temps courir dans les marges. On avait décidé de se retrancher, de jouer un peu au lézard sur les ruines.
On est bien avancé, de fait. Lâge, lusage, les bilans. Trop de pesanteurs sous les ailes, on sest fait des écailles.
En panne, et sans plus de perspective.
Œil braqué, vers quel éperdu ? Œil reclus, Œil châtié. Cibles biaisées, courage en berne.
Sur le qui-vive, cependant. Sur le fil, dans laiguisé, mais à frotte-gignon.
Et lassitude, oui, lassitude.
Dans langle oblique, où toute vue se perd, devient feinte. Et guettant ce qui voudrait et ne peut advenir.
Ne lorgnant que soi, dans langle où toute vue patiente. Lassitude, oui.
Baluchons en tas, on ne sait plus à qui appartiennent ces souvenirs, ou ces désirs, ni de quoi ceci ou cela sera lannonce, ou la conclusion.
Amas dexpectative, on rend ses devoirs à Monseigneur lImprobable.
On fouille, un peu si peu à la rencontre de lindécis. On fait sa souille, dans lattente.
Tout ce poids mort fait masse, et fond du dedans. Sous la croûte, sous lépais, dans lharassé.
Courbatures, lents glissements vers loubli.
On a baissé la garde, on a le rein fourbu, on bat lair à la godille.
Sommations toutefois, à peine des invites. Furtives intimations, comme engelures dâme, qui remuent le foyer engourdi.
Tête de la salamandre braise du bivouac, cendre presque, avec ce museau qui point.
Complots, certes, tapis dans le matelas de choses éreintées.
Mais ce rouleau, qui débite sa rengaine, qui récite ses épilogues en souffrance.
Et la petite déesse à plume accroupie sur le trébuchet le chacal qui la regarde, noir.
Il sagit bien de peser et de peser encore, de déposer, dexpédier dans le morne. Aucune bienveillance, par conséquent.
Juges fourbissent leur apparat. Récitation des codes et des façons. Bandelettes et sels.
Industrie de la mort : elle creuse, elle aussi, elle fouille.
Elle joue labsente, mais fait gérer en sous-traitance les décompositions. Ignominie de ces pantins.
Et les trônes, les sceptres, les parfums tout lattirail des soumissions.
Cris sétouffent ; giclées de sang bouffent sous les gorges ; ulcères songent à mûrir.
Et le serpent danse, en face. Immobile, si fuyant. Attente, tout attente. Faisant cercle de ses anneaux.
Ecailles, on est écailles, papillotes, oui. On se quitte à regret, on se desquame comme on soupire.
On est dans les anneaux, et on est captivé. On se contemple danser, lamentable ballet.
Cercles formant geôle. Spirales, vrilles, volutes, liserons de fumée. Cercles fébriles.
Tentes et pavillons gonflés de vents mauvais : rumeurs abondent, soupçons infestent, oui.
Une bannière sasphyxie, sur ce campement. Les domestiques frôlent le bord des tables et les coudes des maîtres. Les feux tardent sous les chaudrons.
Autour, cela rôde, sans réel appétit. Faim brute, réflexe, simple réflexe.
Incisives sans fil, canines à laigu indolent.
Cest quon est très absorbé dans sa fatigue. A ressasser les accidents du parage, les défauts de lecture dans les signes, et les accrocs dans le ciel.
On attend, on attend, ainsi. On attend, on rumine. On rote ses fiascos. On ironise.
On va vers sa fin. On est terminal. On ne germera plus.
On est de la certitude incrustée, mais qui flageole.
Et cet air décidément très vicié. Et les pluies pas pour avant le matin.
On a bien entendu les lions en quête, mais on nest pas près de croiser les empreintes sur la poudre de la piste.
Il faudra séveiller, dabord. Réapprendre à être pupille vive et dent que le désir aimante.
Paupières en rideau, pour linstant. Souffle lent.
Ventre forclos, nerfs en brindilles, peaux qui flottent. Confusion, confusion.
Votre corps vous a dit au revoir et vous faites le bouchon dans le ruisseau, en attendant.
Désarroi, confusion. Et comment consentir à lessentielle cruauté, prendre le parti de revenir en chasse ?
On essaie, on essaie pourtant. On se lasse, on fait filer. On voudrait tant pourtant se délaisser vraiment.
Et cercles samplifiant, ourlets de la vague immense cette espèce dattention même se lâche.
Autour, cela devient menace, alarme.
Engloutir, chavirer. Confusion.
Mais aussi respirer, respirer, avaler cette goulée, encore allons !
Tout ce sable de raisons froides va bien finir par seffacer, ce déroulé de peaux très sèches se décoller.
Tant de ressassement finira par vivement seffilocher, nest-ce pas ?
On a du souvenir vivace sous la semelle, de quoi tenir, au fond, tout de même.
Le parchemin peut virer. Lencre, se mettre à percer, par dessous.
Palimpseste, filigrane, ligaments transparents par là-dessous on est frère de labîme, oui, mais pas féru.
On sait quon peut redevenir nuage même, ou orage, sébrouer sur les plaines, couvrir encore du terrain.
Les hardes là-dessous seraient comblées si la pluie enfin sabattait ; des sources fleuriraient.
Guépards aimeraient rêver de ventres pleins, de jarrets crus, de courses, de garrots lentement faiblissant sous le croc.
Avec lembellie, rêves de fauves, digestions certaines, oui.
Tous ces bêlements devraient donc agacer la gencive, éclaircir la prunelle.
Mais cest un fait confusion fait pencher la barque du côté de tant pire.
Lassitude, adorable lassitude, lâcheté.
Briser là, délier lignoble pacte, en finir de cette étreinte.
Parcourir tout le cercle allons ! se lover dans les plis du rouleau. Se soumettre, voilà mais violemment, à contre-cercle, à contre-fourvoiement.
Mûrir, caver, forer dans tout ce gris, se faire lettre et signe dans la fibre.
Quune semence perle, peut-être ses prémices. Une saccade, au moins.
Ne plus se satisfaire fabriquer un peu dincertain, de rumeur, dalternative.
Un coup de reins, et tu romps le charme, tu retapes la dépouille.
Précipice trop sûr, et trop aimable gouffre : rions quelque peu des falaises leur conviction, cest comble de vilenie, oui.
Et ce foyer, quel fainéant ! Cette soufflerie est asthmatique.
Epuiser le goût des cendres, oui, plutôt.
Gorge sèche la rendre plus sèche encore, la sécheresse.
Boire la sécheresse, vider labîme, laspirer.
Et filer le train de la mémoire, racler larène justement. Aller voir là-dessous ce qui fait que la machine sombre si joliment.
Réveiller les ombres, et prier que, sur la plaine, les guerriers ségorgent.
Ajuster langle, maintenant, oui. Bander la corde, larc, le bras.
Viser, viser, ne plus fixer que la mire, et la forme qui là-haut préside aux massacres.
Désirer voir enfin le corps désirable dHélène saffaler, au passage de la porte Scée, voir enfin les hardes de ruminants soulever le sabot.
Frapper le socle de latérite, voilà, éveiller les tendons. Scander.
On va se surprendre à humer, bientôt. On va renifler la mort qui court.
Fortes senteurs de suints et de déjections. Relents durine acre, de glaires chaudes, soudain. Et fumets de massacres, enfin.
Peaux sèches, sèches, sèches, se dispersant babines senflent, mufles frémissent.
Là-bas, sous le couvert, ce pelage a surpris un rayon de soleil fauve.
Sur le rempart, là-haut, la forme a vacillé, des désirs ont décoché.
Hélène se dérobe, tombe le voile, la flèche la frôlée.
Prendre les désastres aux mots jaculations, cris, péans. Rhétorique durgence.
Au garrot, flot du sang neuf et vif, qui bat ; au ventre, larc qui tremble, et se tend, encore, encore.
Faire flancher encore, oui, la croupe qui sefface dans la fuite. Lacérer.
On flaire lincendie promesse maintenant.
Jamais plus cette rumination de raisons invalides, jamais voilà.
On a bientôt la glotte qui salive sous le casque.
On flaire : morves, filaments, sécrétions baumes sévères. Toute justice, enfin.
On respire donc, on respire, on revient. On nettoie le buffet.
Crache-moi ça, dégorge cette envie, cette humeur.
Fais donner les signaux : queues levées, les troupeaux se mettront en branle.
Va dire dans le puits au sorcier de sévanouir, va dire à la bête de lâcher ses viscères.
La bête qui travaille par là dessous, dans le boyau. Qui dilue les sucs. Qui saiguise la corne. Qui veut mourir en affirmant.
Va lécher le filon, racle-moi la paroi, épuise manganèse et salpêtre. Et digère, digère, et soumets, à ton tour.
Dissous dans le ventre de calcite du rocher, ce corps palpite.
Oh, plus de saisons froides non. Des passages, des traversées.
Plus de repos lâche entre les travaux, plus de jours creux entre les courses.
Tu partiras naviguer à nouveau dans les pailles, et surprendre tes proies.
Tu descendras les cols, tu jetteras tes papiers à la face du ciel.
Dans le giron des grottes, tu liras, tu auras pénétré. Minéral tu seras, et lisible.
Tu sauras saluer le soleil, et tu tourneras avec les solstices. Le soleil te connaîtra.
Encolure renversée, toute transe, sur le mur du puits, corps du bison, à lagonie. Près de lui, le chasseur, son sexe flèche ardant.
Et toi, tes écailles, tes anneaux, reptile délivre, délivre.
A présent, nous sommes ressemblants.
Nous entrons sur la plaza : notre talon cogne au sol, et la terre est en éveil.
Il nous faut à présent passer dans le monde dici. La pyramide est inversée.
Toi, ton texte, ton poison, ta formule délivre, perce larrière-faix.
Serpent, je danse dans ta bouche.
Sonatine.
10/03/2005
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