|
Imagine un livre, un petit livre
dont les mots sont couverts
un à un
par des tout petits cailloux
fossiles imprimés, éclats de schiste,
scorie et saillie fossifilière,
balayures viles qui s’étalent,
un chemin de lignes de morse
pas à pas
au long de la page.
Ça ressemble à de la poésie, court à la surface
des sillons, lingots
d’un texte perdu;
l’enseignement qu’il tend
est délicat,
peut-être bien déplacé.
Les mots et leur syntaxe
mènent
non pas à rien
(pour l’amoureux des cailloux)
mais à une irradiation qui s’évase
Une chose
si grande
ne peut être
que marquée ainsi:
+ Cela pourrait signifier l’érosion du livre.
L’allure du voyageur
ralentit le long de la grand-route Hansel et Gretel,
étant donné les bribes, miettes de galette au maïs
que les oiseaux innocents cherchent, étant donné les brilliants cailloux
bien trop jolis pour le récit.
L’issue facile n’existe pas.
La circonstance offre plus.
Elle avait tracé la piste pour la faire effacer,
afin d’être abandonnée
à la broussaille d’une forêt obscure.
+ Ça dit le gommage avec tant d’astuce,
mime les petits mots
(cailloux plats),
les ramène tous au petit a
ou bien le le d’ être.”
Peut choisir d'enquêter.
+ Les mots muets
derrière les mots caviardés
peuvent être plus attendris que
le mot.
Les lignes caillouteuses sont pleines d’autrui;
Avec seulement la parole de la pierre,
ils prennent de l’empathie.
Rouvrent la pitié.
+ Fossé profond, route en tranchée, plis de roche
proposent un livre à la voix effilée
incapable et engloutie
au même temps que le moi.
Il y a une modulation de sentiment
“me donner à cette méditation.”
impossible
projet
tout {bon
{compte
à commencer.
•
Imagine un lecteur qui résisterait
et ne résisterait pas
Des éclairs flamboyants
dômes argentés au-dessus de la montagne
résiste chaque mot
même la longue nuit des personnages, actions, choréographie
qui reproduisent son défi pilleur, résiste
mais continue d’articuler la glose,
l’implacable douceur
de la Pierre.
Les sections narratives contiennent des instructions et comprennent
des énoncés sur passage souterrain et échappatoire
fais ceci, fais cela, écoute, ne
désobéis pas,
investis-toi au-delà de toi-même
car tu es
un représentant du feu
dans la caverne balayée par le vent et sans espoir, une étincelle
incapable de réchauffer le noir mais capable tout de même
de voir ses cris qui flambent
même
sans lumière, capable
d’enlacer les brumes de la perte.
Il y a un espace, un fossé
à petit fond qui contourne la terre
cette butte défoncée ou ce monticule
mais assez profond pour couvrir
quoique ce soit
pendant quelques années
jusqu’à ce qu’on lui arrache
son écharde lisible,
ses anneaux d’os impardonnable.
Ici afin d’imaginer le lecteur
marqué par une autre boucle du signe a / a \
aède, toute cette morganlangue longue d’aube,
de brume
les disparus
car une tension ménisque d’exhumation
enfle la page
fugue et suite, parcelles {d’émerveillement
pour le {locus {d’égarement
{logos
tout au long de la {marge mouvante
{manne
•
Lezenfants avaientgrimpé au grenier
avaientpris la boîtedesou
venirs et commencéà éparpiller
découverte
le passé devint
fouillis sur fouillis.
Il n’y avait aucun ordre, ni taille, ni date;
Les réactions émotionnelles furent très mixtes.
Ce qui fut retrouvé,
ce qui se perdit, où par accident quelque chose
se trouvait dans une autre boîte… Et le livre
de photos ne tient plus
ici, une fois regardé,
ceci fait ou repoussé, ou tiraillé, ou
enlevé d’ici. Ainsi les retrouvailles fortuites
de petits riens incertains
ne peuvent jamais être récupérées.
Ceci est la condition du temps, aller de l’avant en travers
peu importe les “dons” de la honte, fantasme et mémoire,
peu importe l’étrangeté organique
de l’irréversibilité.
Ceci est la condition du temps
figé partout (Les Merzcases de Tyree Guyton à Detroit)
avec débris
de temporalités disparues
(Merzcases passées au bulldozer)
tout et rien
poupées au visage de plâtre,
couvercles de pots de margarine en plastique,
petite boîte de thé en forme de malle
affleurent le long de couches de plis
de plus en plus disjoints et crack.
•
Imagine ça
sans la rhétorique de la pitié
mais non sans pitié,
O ruisseaux, O taureau d’or et
azur, langue
bleu lapis
riche de lyre et de vin,
prise dans les bosquets d’arbres à luth,
prise pour du chant, du chant;
le charme qui lèche ton ouïe,
Voix de Bos
tendue une fois autour avec des cordes
et enroulée par
du lin et des chevilles. Pour tenir.
Faire pression contre. Le bois
et le fil de boyau lié
qui penchent vers le plectre
comme une figure de proue
noyée par du rose.
Le taureau joue en lui-même
au cœur du labyrinthe.
On peut le voir mort
nous vautrer dans sa colère et la sale lumière
de la poésie
à essayer de tout recommencer
en branle, cet
appel trenchant au travers de la fosse
pour faire bouger
quelque chose
est-ce de la prophécie?
est-ce de l’enseignement?
est-ce du deuil?
Quelque genre que ce ne soit,
Laissons-le “passer par sa propre insolubilité.”
•
Va donc livre de pierre
Traverse
Serre le revenant
non pas comme on l’exige dans les commandements de base
ni comme on le refuse dans la cantilène ravageuse
mais purement au cours des choses
en se vouant aux mêmes vents.
juin-juillet 1996
|
|
|
Notes au Brouillon XXX: Fosse.
En réalité, le petit livre existe. Il est signé par Ann Hamilton, dans une collection privée. Incluses, se trouvent des citations en sourdine, peu marquées ou vaguement signalées de Louis Zukofsky, Armand Schwerner, Beowulf, Donald Rackin, Ezra Pound et John Felstiner sur la correspondence de Paul Celan et Nelly Sachs. Voir Brouillon 11: Schwa.
Texte extrait de: Rachel Blau DuPlessis, Drafts 1-38, Toll, Wesleyan University Press, 2001
Traduction en français © Chris Tysh
www.alligatorzine.be | © alligator 2007
|
|
|