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I
si bien que ce temps sera
celui des meurtriers tranquilles de nos os
si bien que ce broiement sera,
& que cela sera heureux
si bien aussi que l’âme du soliste
souffle son dernier souffle, déjà,
& à jamais
si le rideau se ferme
la clameur se poursuit,
si les lustres s’éteignent
on y voit toujours,
on entend frémir la lumière
si bien que rien ne fera que la peau
du tambour de tant et tant de colères
ne reste tendue
misère,
chante le jour proche
nourris notre mort
active,
que nous voyions enfin
sur le tas de chaux
ces parcelles de sang fleurir
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II
midi de la mi-nuit, abreuve
les lampes sourdes de notre cœur
lâche ce lâcher de fleurs-oiseaux ébène
parmi l’autre gerbe, d’étoiles blanches
de destinées blafardes et de vagissements
la brassée de vieux soleils, et distants au possible
dans le pot au noir infini
dans le cratère
où gisent, en vie
énormément
toutes ces révoltes graves
ces serpents majeurs,
la nuée de serpents
qui brûle dans l’opaque :
nœuds de nœuds de nerfs à vif
nuit d’amour sans fin avec les goules
purge, drain, grésillement
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III
ce chaos de nos vies
cette grève
ce banc de sable obscur :
sang mêlé, d’un moi né aux frontières
entre parole vierge & foudroiement
peau recuite
peau tannée
ah, dire l’obstruction
& décrasser cette glotte
racler la gorge des ruisseaux et des mares :
des lézards tièdes forniquent là
avec des anguilles mortes
on connaîtra peut-être la saison
de séparer les galets-révoltes
de cette vase
le piano rêve une besace de crotales
qu’on lâcherait au bord du marécage
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IV
quand la cymbale claque
le dialogue avec la corde de la basse passe dans le rire sec
le cirque entier se met à flotter sur l’étendue, l’huile du jour invendable
rancunieuses, les humeurs, les liqueurs :
toute aversion, là
au plus près de notre gorge
gratte-cul distillé par des escrocs
& tout est clown dans cette fable le verrat en uniforme, sa trique de
gras flic marinant dans sa sueur de haine,
et l’orateur à la tribune, en goguette,
prédisant l’émeute et la sanction
on entend bien là-bas les mariachis gratter leur crincrin jouisseur
la clarinette fait danser tous ces morpions
sous un nid de casseroles
une pute jolie nous joue même la madone-démocratie
pendant que les dents se brisent sur la porte
béante de ces gencives d’électrochoc
mais encore sous tes doigts la corde revient parler à l’anche
qui se met à rêver d’une valse nouvelle où le gouverneur tiendrait
la ballerine dans ses crocs de bras monstrueux, et puis non,
voilà une gigue plutôt, un bon plat de pieds
animés de soubresauts, pour moquer toujours, & en finir
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V
on voit venir encore des cortèges : marches vers les bûchers
mascarades au pied des potences
on voit cette eau du ciel qui crachine, baume assurément
sur le cadavre obstiné qui invite,
cou brisé, avec cette dégaine qu’on n’oublie pas :
fourches obscènes où s’offre ce paquet de chair très crue
mais singe singe singe
il faut singer
tu ne seras jamais que le singe de ta race & ta face
certains arbres cependant sont admirables
parce que leurs feuilles parlent aux vents
& le primate aura appris ta partition :
coda midi de la mi-nuit, penser plutôt
à venir embrasser ce soleil qui dérive,
et prendre aussi dans ses bras la forme aimée
des constellations,
la barque suit
le cours du fleuve sous le regard
des fauves lents, dans l’ombre
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Le texte français ainsi que le texte anglais dû à Fiona Sze-Lorrain et l’auteur, illustrés d’empreintes digitales du contrebassiste Kentaro Suzuki, ont été publiés par Estepa Editions, Paris, en janvier 2011.
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