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Nul but ne saurait-il par elle être atteint et « l’œuvre » dût-elle s’avouer vaine arabesque de parties impuissantes, elle doit malgré tout apparaître tendue vers son but c’est son devoir et c’est son seul devoir. « Apparaître » ne signifie pas qu’elle doive uniquement sembler telle : elle doit l’être, tendue, et seulement parce qu’elle l’est apparaître. L’« œuvre » tient sa vigueur vraie sa sauvagerie de l’office qu’elle essaie sans succès de rendre. C’est lorsque impuissante elle retombe comme le poulet qui s’était cru milan, dans l’assiette de son auditeur, que le critique peut faire l’anatomie d’un style. L’art pour l’art n’est que le Toute « œuvre » essaie quelque chose, de rejoindre quelque chose ; de trouver à travers une page salie, une toile trouée, une partition constellée de repentirs au crayon de papier, un lieu de faire advenir ce lieu faire avoir lieu. ni Coltrane au Congo Il est déjà venu à Milan, pour un concert, en 62. Le 2 décembre, Teatro dell’Arte. Sur l’album qui en fut tiré, on peut lire la composition du groupe, que les amateurs appellent le ‘classic quartet’ (1962 à 1965) avec lequel il a enregistré ses plus beaux disques Crescent, A Love Supreme. Les spécialistes et les musicologues sauront en qualifier les caractéristiques stylistiques ; ce qui me frappe, c’est que la mélodie y est au service de l’improvisation. Les formes montrent Avant 1962, l’improvisation s’enroulait au service de la mélodie. Après 1965, la mélodie disparaîtra comme un ancien prétexte, inutile. J’improvise dans le plein air, Les albums sont enregistrés dans le paradoxe d’un studio : il ne s’agit plus de capter le patron d’une mélodie reproductible ou avec laquelle jouer métamorphose, mais (par son moyen) de trouver l’improvisation. Mais enregistrer celle-ci ; donner assise, durée, reproductibilité, à l’événement improvisé. Lui donner de l’être. Pour 75 soirées en 57 La captation d’un concert, comme Milan 62, par laquelle l’événement (telle improvisation, initialement produite pour son enregistrement studio) rendu à l’ici-et-maintenant du live, est de nouveau enregistré, affole le paradoxe. Est-il redoublé ? Ou en sommes-nous sortis ? Qu’enregistre-t-on ici ? De quel effort sommes-nous les témoins, les objets ? St-John ne réplique pas par l’art Je n’ai d’autorité, ou de compétence, pour écrire ni sur la musique, ni sur Milan. Je ne sais pas si tout ceci est vrai (c’est pourquoi dans ces notes on cherche autre chose que ce que j’ai pu y mettre). La voix, qui parle pour une pensée et ne porte que le geste de l’écriture : cette immanence forcée, même humblement, fait-elle quelque chose avoir lieu ? Autant remplacer le poème L’« œuvre » se déploie entre plusieurs points et fonctionne comme une vaste image : deux réalités éloignées qu’elle entrechoque ou fait se rapprocher. Ici commence son drame, son expérience, mais aussi son fait le premier impossible qu’elle affronte et sa preuve. Elle s’élabore sur les conséquences de ce fait. C’est là qu’elle peut essayer quelque chose (faire avoir lieu). Ils cherchent Dieu hors des églises La biographie fait ce qu’elle essayait de faire : elle nous en apprend sur quelqu’un. « L’œuvre », elle, est la cosse vide d’un corps à corps. Faut-il écrire : avec l’impossible ? Un corps offert à l’impossible ? Est-ce son rapport avec la cathédrale ? Toute église est autiste, lançant Une cathédrale existe. Clémence dit : « C’est complètement fou, ces milliers de sculptures sur le toit, qu’on ne peut pas voir depuis l’extérieur, et qui existent comme pour personne ! » C’est elle qui souligne. Est-ce parce que Dieu voit tout ? Parce que « l’artiste » défie son spectateur, en lui offrant à contempler un impossible à circonscrire, l’excès même ? Le soir sur la piazza San Simpliciano Ce que je cherche ? Ni découvrir, ni cartographier, ni expliquer l’espace. À sauver quelque chose. Pas le gros monde et pas ma petite vie. Pas des idées, des sensations, des ratiocinations : j’enregistre dans l’écriture le miracle d’une pensée en forme, improvisée dans son commerce avec les autres. Il dit que pour chacun ce qui compte peut avoir lieu. Ou qu’on peut le faire avoir lieu. L’écriture est cette liturgie.
Les « artistes » ont toujours des raisons de faire ce qu’ils font. Ils cherchent ceci, cela mais les raisons n’ont rien à voir avec des considérations relatives à l’apparence que devait prendre leur art. Ils n’ont rien à faire de la dogmatique des formes les formes sont des chrysalides. Ne les jugeons qu’à l’aune de leurs bienfaits pour la métamorphose. ‘his use of scales and modes, Moyen premier, peut-être, ou dont le désir leur parvint dans la lointaine adolescence, avant qu’ils sachent. Ce qui émerge d’une nappe de matière Et repartant par l’autoroute (pas de train pour Milan) je pense à quel point ce sont là des minuscules pastilles, ces villes au milieu du désert spirituel des échangeurs et des pompes à essence, et de ces villes en travaux de fibre optique qui balancent tout loin de l’ici et maintenant et sans musée. Je ne parle pas d’une expérience Les gens de la campagne et d’autres villes et ceux qui vivent au bord des échangeurs et se lèvent tôt eux aussi ont rapport à l’esprit. Mais il faut s’aboucher
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Pierre Vinclair. Poésie récente : Le Cours des choses (Flammarion, 2018) et La Sauvagerie (José Corti, 2020). Essais : Terre inculte. Penser dans l’illisible The Waste Land (Hermann, 2018) et Agir non agir. Éléments pour une poésie de la résistance écologique (José Corti, 2020). Il est l'un des animateurs de la revue Catastrophes et dirige la collection S!NG aux éditions du Corridor bleu. |
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